Gnawa Diffusion

Samedi 16 septembre 2006 - 20h30
Scène Des Musiques Du Monde
Fête de l'Humanité

Le groupe algéro-grenoblois fête ses 15 ans de scène et la sortie de son nouvel album au parc de La Courneuve.

Dix ans de carrière discographique et presque quinze ans de scène à travers le monde entier. Ce ne sont pas des novices qu'acceuille, samedi soir, la Scène Des Musiques Du Monde. Qui n'a jamais fredonné le refrain d'Ombre-elle « Je voudrais être un fauteuil dans un salon de coiffure pour dames... » ? Gnawa Diffusion profitera de ce nouveau passage à la fête de l'Huma pour nous faire découvrir son sixième album, également prévu pour le mois de septembre.

Que de chemin parcouru depuis ce 2 juin 1992, où, pour la première fois réunis sur scène, en première partie de FFF, les Gnawas remportent le tremplin « jeune spectacle vivant » de Grenoble ! Le cosmopolitisme, reflété par le groupe, et le metissage musical qu'il propose fait mouche. C'est peut-être la première fois que reggae, ragga, rap, raï, chaabi, gnawa, pop et rock sont aussi brillament rassemblés. Que ce soit par des textes en arabe, français, anglais ou berbère. Comme son son, Gnawa ne tarde pas à franchir les frontières, diffusant son message universel de festival en festival.

Car l'autre force du groupe est son engagement. À l'origine de la formation, Amazigh Kateb, fils de l'auteur algérien Kateb Yacine sur lequel il a d'ailleurs publié. Ayant baigné dans un environnement théâtral et littéréaire militant, il en a gardé l'esprit de révolte et d'indépendance. « Je ne milite pas dans un parti mais je suis d'extrême gauche » affirme-t-il. Les positions de Gnawa Diffusion, par la voix d'Amazigh, sont celles d'artistes courageux, en guerre contre tous les intégrismes. « La pratique de la religion est un exercice personnel. Lorsque l'on impose un modèle identitaire religieux, je deviens anti-religieux, quelle que soit la religion concernée », explique le musicien écrivain. Et de dénoncer les amalgames volontaires et dangereux : « Aujourd'hui on diabolise l'Islam au lieu de s'attaquer à l'islamisme ; comme on a diabolisé le communisme au lieu de faire la critique des régimes qui s'en réclamaient. » Même pertinence dans son analyse du port du voile : « En Algérie , il s'est imposé comme un signe de soumission. Je suis contre : c'est l'ennemi de la femme. Mais l'interdire dans les écoles françaises, c'est prendre le risque d'éloigner certaines jeunes filles de l'école. Cette loi a heurtée une communauté déjà fragilisée par l'islamophobie. Elle exacerbe les tensions », estime Amazigh Kateb. Des paroles qui s'accompagnent d'actes forts, tout au long d'un parcours qui n'a jamais oublié les frères algériens. En mai 2001, alors que sévissent des affrontements meurtriers en Kabylie, Gnawa Diffusion vient dire sa solidarité, offrant à la jeunesse révoltée, par un concert mémorable de trois heures dont le souvenir est gravé sur le DZ live. Les deux concerts suivants, prévus dans le cadre d'un off au fetival mondial de la jeunesse, organisé par le gouvernement pour tenter de calmer la rébellion, seront interdits par le préfet d'Alger. L'année suivante est celle de la recomposition du groupe dont certains membres éprouvaient le besoin de faire autre chose. Mais la machine Gnawa repart de plus belle, enchaînant un nouvel album, Souk System, un DVD et bientôt, donc, un sixième opus.

Ludovic Thomas